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STRASBOURG A STATUÉ : NE PAS PAYER D'INTÉRÊTS POUR DE L'ARGENT BLOQUÉ EST INJUSTE !
03 October 2018
Contrairement à la Cour constitutionnelle hongroise, qui pense que ne pas payer d'intérêts pour de l'argent bloqué sur un dépôt de garantie pendant 10 ans est acceptable, les juges de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) semblent être plus proches du monde des affaires, comme en témoigne leur récente décision contre la Hongrie. Si vous voulez savoir comment les juges calculent l'intérêt et la compensation, ne manquez pas notre dernier article !
Contexte
La requérante, HUNGUEST SARL ("HUNGUEST"), une société privée exploitant une chaîne d’hôtels en Hongrie, a été poursuivie en 2000 dans le cadre d'un litige financièrement important. Pour garantir la demande d'indemnisation du demandeur, le tribunal a ordonné à HUNGUEST de fournir un dépôt de garantie de 275 millions HUF (environ 1 million d’euros), en transférant le montant sur le compte bancaire d’un huissier de justice, où l'argent n'a produit aucun intérêt. HUNGUEST a offert d'autres types de garanties, et a fait valoir qu'en raison de sa bonne situation financière, il n'y eût pas besoin d'un tel dépôt, celui-ci contredisant le principe de rationalité économique, mais sa demande a été rejetée. Dix ans après, l'affaire a finalement été jugée en 2010 par la Curia (Cour suprême hongroise). Bien que la réclamation du demandeur n'ait été accueillie que partiellement (50%), l'argent de HUNGUEST en dépôt de garantie n'a pas couvert la totalité de la réclamation, en raison des intérêts accordés pour les 10 ans. Ainsi, son dépôt de garantie de 275 millions HUF a été remis au demandeur et HUNGUEST a même dû payer 90 millions HUF supplémentaires (environ 300 000 d’euros). Comme il fallait s'y attendre, HUNGUEST a attaqué la législation nationale, excluant le paiement d'intérêts pour le dépôt de garantie, devant la Cour constitutionnelle hongroise, mais a échoué.
L’affaire devant la CEDH
HUNGUEST a porté l'affaire devant la CEDH en alléguant deux violations de la Convention européenne des droits de l'homme.
D'une part, HUNGUEST se plaint de la violation de son droit à un procès équitable en raison du dépassement du délai raisonnable des procédures judiciaires civiles avec un litige de 10 ans. D'autre part, HUNGUEST invoque la violation de son droit de propriété, à son avis, en raison du non-paiement des intérêts pour l'argent transféré dans le dépôt de garantie. La Cour a souligné que même si l'argent de HUNGUEST a été bloqué comme dépôt de garantie sur le compte de l'huissier de justice, sans produire aucun intérêt, la Cour hongroise a accordé des intérêts au demandeur, dont le montant était assez élevé, en raison de la procédure judiciaire extrêmement longue de 10 ans. La Cour a souligné que les circonstances susmentionnées, ainsi que le refus de fournir une garantie alternative, constituent une ingérence disproportionnée dans le droit à la propriété de HUNGUEST, de sorte que les juges de Strasbourg ont établi la violation de la Convention. Dans le même temps, en ce qui concerne le montant des dommages-intérêts, la Cour a accepté les arguments du gouvernement et, au lieu d'accorder la pleine compensation pour les intérêts non payés pour l'ensemble de la période de 10 ans pour un montant de 1 million d'euros, la Cour n'a accordé que 465 000 euros à HUNGUEST. La Cour a rappelé que, sur la base de sa jurisprudence, les litiges internes ne violent le principe du procès équitable que s'ils sont prolongés pendant plus de 5 ans, de sorte que HUNGUEST ne peut réclamer de dommages-intérêts en raison des intérêts non payés que pour une période de 5 ans, et non pour la totalité de la période de 10 ans.
Remarques
D'une part, il est très positif qu'une cour des droits de l'homme adopte une approche commerciale et accorde une compensation financière pour le non-paiement des intérêts après le blocage d’une somme d’argent. D'autre part, il est discutable que le paiement d’une telle compensation soit juste subordonné au fait que le litige, aux fins duquel l'argent a été bloqué, dépasse la durée acceptable. Nous espérons que la Cour aura l'occasion de reconsidérer sa position à l'avenir, dans des cas similaires.
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